Ma vie sans gluten…
Photos: Fort Bragg, Californie, septembre 2017. Le jardin de mes beaux-parents est un havre de paix au milieu de la forêt de séquoias qui longe la côte nord de la Californie. Avec un puit dans le jardin, un potager, un verger, et l’activité de marin-pêcheur de mon beau-père, ils vivent presque en autarcie. Promenez-vous dans leur jardin tout au long de cet article. J’espère que vous serez inspirés!
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« Du pain béni »
J’entends déjà le bruit des « haters », qui hurlent au charlatanisme. Alors d’abord, hein, tu te calmes, Jacqueline ! Tu prends ta baguette, et tu vas faire un tour à la boulangerie du coin pour voir s’y j’y suis (spoiler alert : je n’y suis pas).
Vous l’avez compris, je vais vous parler de cette petite protéine qui donne l’élasticité au pain et de la décision que j’ai prise il y a 2 ans de ne plus consommer de produits qui en contiennent. Ceux qui sentent déjà les convulsions de rage les saisir aux tripes (je ne sais pas pourquoi mais ce sujet semble inciter au trollage), et qui ont envie de défendre bec et ongle leur morceau de pain, je vous invite à suivre Jacqueline et de vous diriger vers la sortie… c’est bien… et hop… attention à la marche… c’est ça, vous sortez… cet article n’est pas pour vous…
À nous.
Le pain… levez la main si vous aimez ça ! Moi aussi ! L’odeur du pain de campagne frais grillé, tartiné au beurre cru et à la confiture de fraise ; l’odeur des pâtes fraîches encore frémissantes dans un nuage de buée et de bonheur ; le fondant au chocolat dans lequel on plonge notre cuillère a café ; la calzone qui sort tout droit du four à pizza sur la petite place du marché de Grève in Chianti en Toscane ; le croissant encore chaud qui fond dans la bouche… Il faut être masochiste pour choisir de manger ‘Gluten Free’, non ? Et bien c’est ce que je me serais dit moi aussi si on m’avait dit qu’un jour je ne consommerais plus de blé, plus de seigle, plus d’orge, plus de kamut, plus d’épeautre, et plus d’avoine à moins qu’il ne soit certifié GF.
Avance rapide jusqu’à aujourd’hui, et c’est à peine si je me rends compte que je mange sans gluten… Je reviendrai sur ce que je mange à la place du blé aujourd’hui (et non, je ne suis pas une grande fan de substituts industrialisés GF), mais d’abord laissez-moi vous en dire davantage sur ce qui m’a poussé à franchir ce pas.
J’ai un peu hésité avant de partager mon parcours parce que 1) les médias français rabâchent qu’à moins d’être atteint de la maladie de coeliaque il est idiot de manger sans gluten (un membre de ma famille française – qui ne cuisine que le dimanche – m’a même sorti lors de mon dernier séjour en Touraine qu’il était « dangereux » de manger GF suite à la parution d’articles qui écorchent complètement les trouvailles d’une équipe de chercheurs américains mettant en lien les maladies cardiaques et un régime sans céréales complètes. Résultat : on diabolise aujourd’hui fait d’éviter le gluten sans vraiment comprendre les tenants et les aboutissants de cette enquéte. Nous y reviendrons un peu plus tard.), enfin bon, on part de très loin. Et 2) parce que partager mon parcours avec vous signifierait qu’à un moment donné je parlerais de mon transit intestinal, et inutile de vous dire que parler popo… hein… et bah c’est un peu intime. Mais comme je vous aime, et comme je vous parle déjà de mon cycle, des mes boutons, de mes angoisses, etc., et bien je me suis dit que tant qu’à faire je n’avais plus qu’à vous confier mes merdes également, comme ça vous saurez vraiment tout.
« Pour une bouchée de pain »
🎶 »On ira tous au cabineeeeeets, mêmeeeeuh vooous ! » hein, donc finalement autant se décoincer. À l’ère du fameux Squatty Potty et du rayon laxatif je crois qu’on peut le dire : le monde occidental a un gros problème de constipation.
Pour certains, il suffit de manger un peu épicé ou d’ingérer une bonne assiette de légumes pour activer leur système, pour moi rien n’y faisait – petite, je pouvais passer une semaine entière sans même éprouver le besoin d’aller aux toilettes – surtout à partir du jour où je suis entrée à l’école maternelle (en apportant avec moi mon petit panier picnic rempli de sandwichs). En parallèle à cela je souffrais de crises d’urticaire récurrentes (je pouvais me réveiller le matin couverte de plaques qui disparaissaient dans les 48h). Pendant longtemps la survenue de ces crises était un mystère.
Je me revois boursouflée le matin au réveil, emprisonnée dans une peau pleine de rougeurs qui me démangent. Je me revois, toute petite, dans le bureau d’un homéopathe qui demande à mes parents si je consomme de la menthe, de la verveine, des agrumes, du chocolat… Puisque ces crises ne survenaient que toutes les 3-4 semaines je suppose que mes parents n’imaginaient pas qu’elles pouvaient être liées à un aliment que je consommais quotidiennement. Par ailleurs, je crois qu’ils n’avaient jamais fait le rapprochement entre mes histoires de transit irrégulier et ces allergies (la constipation n’étant pas vraiment un problème à leurs yeux). Ils m’avaient amenée chez plusieurs médecins-naturopathes sans grand succès. On m’avait prescrit des poudres, des tisanes, des ‘tic-tacs’… rien n’y faisait, et la seule fois de ma vie où j’ai pris 1/2 anti-histamine pharmaceutique j’ai dormi 16h d’affilée et je me suis réveillée super affolée car je voulais à tout prix aller à Ikea pour acheter des « manches » (le mot que je cherchais était en fait « planches »). J’étais totalement high. C’était très agréable, mais je n’ai plus jamais recommencé.
On ne saura jamais si mes crises d’urticaire provenaient du blé que je consommais quotidiennement, ou des laitages, ou si la cause était toute autre (j’ai eu ma dernière crise d’urticaire à 12 ans), mais sachant à quel point ma qualité de vie s’est améliorée depuis que j’ai cessé de manger du gluten je ne peux m’empêcher de croire que cette intolérance ne date pas d’hier et que je devais déjà avoir un terrain propice aux réactions histaminiques.
« Du pain sur la planche »
Avec le recul et les connaissances en nutrition que j’ai pu accumuler au fur des années je dirais que – comme beaucoup de personnes de ma génération souffrantes d’allergies ou d’inflammation inexpliquée – je suis passée à travers les mailles du filet des mouvements alternatifs ‘healthy’ des années 80-90.
J’ai passé les 14 premières années de ma vie à Londres, dans une famille franco-britannique. Ma maman, Française, s’est passionnée de nutrition au cours des années 70. Très vite elle a adopté un régime proche du végétarianisme, troquant l’alimentation franco-espagnole de son enfance de baby-boomer – une alimentation très centrée sur la viande – contre une alimentation plus verte (pas ou peu de viandes, un peu de poisson de temps à autre, beaucoup de légumes/céréales/oléagineux). Super, non ? Oui, sauf qu’à l’époque les nutritionnistes était protéino-obsédés, et ils étaient fermement convaincus que seules les protéines d’origine animale comptaient vraiment. Ils encourageaient donc les végétariens à ajouter des laitages et des oeufs à toutes les sauces… mais vraiment à toutes les sauces, ce que mes parents faisaient pensant bien faire (tiens, un morceau de fromage avec ta salade… du lait dans tes flocons d’avoine… etc.). Ajoutons à cela la folie du tofu qui a commencé à voir le jour en Angleterre au début des années 90 (enfin LA protéine végétale qui va réellement remplacer la viande selon les experts en nutrition !), mettons la touche finale à ce cocktail inflammatoire en faisant le plein de pain, de pâtes, et autres confections glutinées, et nous voilà bien barrés !
Je débarque en France en 1997. J’ai presque 15 ans, et c’est la fête à la boulangerie du coin. Casse-dalles jambon-beurre, jambon-fromage, pizzas fraiches, tartes au poireaux, baguette viennoise au chocolat… bref, toute occasion est bonne pour éviter la cantine scolaire (pourtant très bien) et trainer au square entre copains. La France des années 90 est plus réticente à se mettre au bio – ma mère débarque pour la première fois à la COOP bio du coin, où elle est accueillie par un modeste groupe de mal-peignés aux ongles noirs, au teint maladivement pâle, et aux cheveux gris qui lui parlent de graines germées et qui comptent leurs « macro-nutriments ». Chaque « membre » a un « numéro d’adhérent », et quand il m’arrive d’accompagner ma mère faire son marché aux légumes j’ai l’impression d’entrer dans la secte du cousin amish de ‘Skippy’. Inutile de vous dire qu’à 15-16 ans la vie au vert m’effraie plus qu’elle ne m’attire, et hélas je ne cherche pas de solutions à mes petits maux quotidiens (constipation chronique, règles irrégulières, petits boutons qui commencent à faire leur apparition) chez la communauté « Bio COOP ».
« Manger son pain blanc en premier »
À l’ère des documentaires chocs sur les modifications génétiques du blé et de la mode du GF on pourrait tout de même se demander comment j’ai fait pour ne pas me rendre compte de ma sensibilité au gluten plus tôt, surtout que j’ai commencé à m’intéresser à la nutrition au cours de ma vingtaine. Je crois qu’il ne faut pas sous estimer l’innocence juvénile et l’absence d’alternatives – n’oublions pas qu’à l’époque où je commençais à me poser des questions sur ma santé les réseaux sociaux n’existaient pas, l’accès à l’information était limité aux livres, et il on n’avait tout simplement jamais entendu parler de la tendance « Gluten Free ». Tout le monde autour de moi, mais absolument tout le monde sans la moindre exception, mangeait du blé. Concevoir un monde sans blé m’était impossible, non pas par entêtement ou résistance, mais par simple ignorance.
Quand j’ai pris la décision d’arrêter ma pilule par le biais du sevrage en 2012, j’ai entamé mon parcours ‘healthy’ en remettant en question beaucoup de mes habitudes soi-disant « inoffensives » (plats à cuisiner anti-adhesifs, maintien des aliments dans des boites en plastique, consommation journalière de laitages, utilisation de produits de beauté non bio, etc.). Souhaitant à tout prix éviter une poussée d’acné et des troubles du cycles à l’arrêt de ma pilule, j’avais à coeur de « nettoyer » ma vie et d’adopter une alimentation et une hygiène de vie plus douces, plus saines, et plus écolos. C’est là que je suis tombée sur des articles en anglais traitant de la qualité du blé moderne, et, ahurie par ce que je venais de découvrir, j’ai fortement diminué ma consommation de pain, notamment pendant les années qui ont précédé ma venue aux States).
À tous ceux qui se vantent de consommer la nourriture de leurs ancêtres, j’ai une mauvaise nouvelle pour vous : on vous a menti. Le blé que consommait vos ancêtres était plus proche du blé sauvage, il comportait 14 chromosomes seulement ; il était plus fragile à cultiver, et plus facile à digérer. Le blé moderne – ce frankenblé que nous trouvons partout dans nos boulangeries, et hélas même au rayon bio, est un blé à 42 chromosomes, résistant aux pesticides et aux intempéries, facile à cultiver donc, mais très difficile à digérer. Plus compliqué encore est le discours autour du blé qui induit en erreur. J’entends souvent les gens dire : « j’ai vu un documentaire sur le blé moderne et du coup je ne mange plus que du pain à l’épeautre… c’est sans gluten ». Désolée de tuer votre vibe mais l’épeautre et le petit épeautre sont également des variétés de blé ‘tendre’ moderne, et ils contiennent bien du gluten. En revanche, le sarrasin, que certains évitent, induits en erreur par l’appellation populaire « blé noir », n’est pas de la famille des blés et ne contient pas de gluten. On peut donc en manger sans problème lorsqu’on suit un régime GF.
L’intention de modifier le blé n’était pas mauvaise à l’origine ; le but était d’éliminer les famines dues aux parasites, aux maladies des semences, aux difficultés de stockage, aux difficultés de transport du blé, etc. À l’époque où les premières modifications génétiques du blé ont vu le jour – aux alentours de 1900 avec la sélection généalogique à partir de la betterave sucrière de Louis de Vilmorin – on n’imaginait pas un instant que ces travestissements produiraient des effets néfastes sur la santé des consommateurs. Le but n’était pas tellement lucratif non plus ; il s’agissait surtout de trouver une solution à la faim dans le pays, et effectivement, le nombre de famines en France passe de 16 pour la période 1700-1800 à 10 pour la période 1800-1900 à 0 pour la période 1900-2000 (Bonjean et Leblond, 2000), on peut donc parler de réussite dans ce sens là.
Les difficultés digestives liées à la consommation de gluten surviennent en parallèle à l’intensification de la culture du blé entre 1950-2000. Pendant 50 ans, le monde occidental cultive des espèces de blé de plus en plus éloignées des variétés originelles. Ajoutons à cela la mécanisation et les techniques de raffinage de la farine, et nous nous nous retrouvons avec les frankenblés que nous consommons quotidiennement. Point intéressant à noter : les progrès dans le domaine de la génétique ont modifié le blé davantage au cours des années 80 dans le but de produire en masse des semences hyper résistantes, plus concentrées en gluten, donc plus malléables en cuisine. L’objectif à ce stade du jeu était économique ; produire beaucoup pour gagner beaucoup au détriment de la qualité du produit.
« Ça ne mange pas de pain »
On vit à une telle époque d’opulence qu’il est perçu comme indigne ou ingrat de remettre en question ce qui se trouve dans nos assiettes. Et le pain… le pain c’est la base de tout. C’est ce qu’on attrape quand on n’a rien dans le frigo, ou rien dans le portefeuille. C’est un aliment tellement versatile et « gentil ». C’est une odeur, un savoir-faire – surtout en France, LE pays du pain – c’est une coutume, une émotion, un souvenir nostalgique d’antan ; c’est la simplicité, la beauté du geste du boulanger devant son four, c’est la beauté de partager un « morceau de pain » ensemble. C’est toute une culture, mais ce que l’on oublie trop souvent dans nos rêveries romantiques c’est que le produit a changé, et ce que nous appelons « pain quotidien » n’est pas le pain de nos arrière grand-mères ; c’est un mièvre substitut bas-de-gamme.
Le jour où j’ai décidé de ne plus manger aucun aliment contenant du gluten ma digestion s’est remise en route pour la première fois depuis des années. En l’espace d’une semaine sans gluten mon inconfort chronique avait disparu. J’étais presque agacée de constater cela car j’aimais tellement mes tartines de pain grillé et mes crêpes au froment, mais aujourd’hui cela fait 2 ans que je suis passée de l’autre côté et je n’éprouve plus le moindre regret. Au début je ne pensais pas devoir éliminer le gluten entièrement. Mon beau-père, qui confectionne ses propres pains au levain ici en Californie, m’avait expliqué que la farine américaine contenait environ 13% de plus de gluten que les farines d’origine françaises. Il essayait justement de se procurer de la farine française car il souhaitait reproduire des pains à la texture plus proche de ceux que nous trouvons en Europe. C’est là que l’alarme s’est mise à sonner dans ma tête… et si j’étais simplement sensible aux farines américaines ?
Lorsque j’ai appris cela j’ai naïvement cru que mes difficultés digestives étaient uniquement causées par l’ingestion de farines américaines très riches en gluten. Je les ai donc éradiquées sur le tas et, bien sûr, ma digestion s’est améliorée illico-presto. Je pensais toujours pouvoir rentrer en France et consommer des farines françaises sans trop m’en inquiéter (après de longues années passées en France – près de 18 ans pour moi – on développe un certain snobisme, et on s’imagine à tort que parce qu’on vit dans la culture de la haute gastronomie nos produits sont forcément de qualité irréprochable). C’est donc ce que j’ai fait quelques mois plus tard lorsque je suis revenue voir ma famille en Touraine. Bon. Sauf que cela n’est pas passé comme prévu. Ma digestion n’était pas aussi lente et inconfortable que lorsque je mangeais de la farine américaine, mais les maux de ventre ont effectivement fait leur come-back, et je me sentais quand-même ballonnée, crevée, constipée, inconfortable à longueur de journée. Quand les moments précieux passés avec ceux qu’on aime sont ternis parce qu’on se sent mal alors cela ne vaut tout simplement plus le coup. C’est à ce moment-là que j’ai décidé de retirer le gluten de mon alimentation tout court, et pour moi c’est sans regrets.
« My mom fed us a lot of processed food when we were kids, like chicken fingers, grilled cheese sandwiches and quesadillas. I make those treats too but I use organic cheeses and whole wheat bread and tortillas. » Kourtney Kardashian
Je n’ai jamais effectué le test permettant de diagnostiquer la maladie de coeliaque, en grande partie parce qu’il implique de remanger du gluten pendant 3-6 mois, puis de subir une coelioscopie pour voir l’éventuel étendu des dégâts au niveau des intestins. Il existe une prise de sang qui ‘préqualifie’ les individus sensibles au gluten à la coelioscopie, et il faudrait certainement que je commence par là, mais là encore l’idée de manger du gluten ne m’enchante guère. Je suis donc dans le camp des personnes qui risquent de ne pas être prises au sérieux quand elles disent qu’elles mangent « Gluten Free ». Et cela m’est arrivé maintes fois, même au sein de ma propre famille ou entre amis, et surtout en France (« ah bon ? – mais tu crois que ça y fait quelque chose ton régime là ? Perso je ne pourrais jamais manger sans pain, constipation ou pas, lol! »).
Les Américains à qui j’en parle ne semblent pas affolés du tout ; ils ne mettent pas le nez dans mon assiette pour savoir ce que je peux bien manger à la place du pain, et ils acceptent plus comme une ‘fatalité’ la notion d’intolérance alimentaire (« ah ma pauvre, moi je suis lactose-free et ma fille est allergique aux cacahuètes… on a tous quelque chose hein. »). Peut-être que dans ce pays sans vraie culture alimentaire, où il faut se battre pour manger sans pesticides, sans engrais chimiques, sans OGM, sans perturbateurs endocriniens les gens ont fini par trouver ‘normal’ le fait d’être hypersensible à la nourriture. Je trouve cela tout aussi triste que le Français qui s’entête à croire que parce qu’il vit en France il échappe miraculeusement à une alimentation bas-de-gamme. On connait tous des mecs comme ça, qui sortent du Carrefour, le caddie plein à craquer de produits industriels, emballés dans du plastique, des produits dont ils ignorent totalement la provenance, et qui vous font une leçon en nutrition parce que vous choisissez d’éviter le blé, ou la viande, ou les produits laitiers, etc.
C’est un peu ce que fait l’auteur de cet article au beau titre racoleur : Régime sans gluten : danger ! Je précise que je n’ai rien contre l’Express, mais je trouve tellement simpliste de publier un article qui clame que les régimes sans gluten sont systématiquement dangereux pour la santé. L’auteur préfère user (abuser) de sa soi-disante autorité de médecin de la vieille école et se perdre dans des digressions sur l’obésité/la mode des oméga 3, etc. Après avoir également entendu dire de la part de plusieurs membres de ma famille que les régimes sans gluten pouvaient être « dangereux », je me suis rendue compte en posant davantage de questions qu’ils ne faisaient que répéter bêtement ce qu’ils avaient lu ou vu à la télé, et qu’en réalité ils n’y pigeait que dalle au débat. Dans leur tête de citoyen lambda qui croit tout ce qui passe à la télé (ou ce que des médecins convertis au journalisme peuvent blablater) ils en étaient arrivés à la conclusion que puisque les régimes sans gluten était mauvais, alors leur ventrée de pâtes quotidienne devait être saine. La vérité est, bien sûr, toujours plus nuancée, et je vais m’efforcer de vous expliquer en des termes clairs pourquoi ni le médecin/journaliste-simpliste, ni les membres de ma famille (que j’adore et que je respecte énormément par ailleurs) ont raison.
En mai 2017 le British Medical Journal a publié les résultats d’une étude menée aux Etats-Unis entre 1986 et 2010. Le but de l’étude était d’observer si oui ou non le fait de consommer du gluten pouvait avoir une incidence sur la santé, et notamment sur la santé cardiaque. Ils ont donc fait remplir un questionnaire alimentaire à 110 017 professionnels de santé tous les 4 ans. Les chercheurs se sont aperçus en étudiant les données après coup que le parmi tous les participants, les 20% qui consommaient le plus de gluten avaient le moins d’accidents cardio-vasculaires, et que les 20% qui en consommaient le moins avaient le plus d’accidents cardio-vasculaires. Flippant, à priori, n’est-ce pas ? Oui mais…
Les chercheurs mettent bien en garde contre l’envie d’établir un lien de causalité direct (ce que fait justement le journaliste alarmiste dans l’article cité au paragraphe précédent) expliquant qu’en réalité ces statistiques sont plus probablement liées au fait que les 20% qui consommaient le moins de gluten consommaient également le moins de céréales complètes, et on sait tous que les céréales complètes apportent des fibres, des vitamines et des minéraux, autant de nutriments essentiels au bon fonctionnement cardiaque. Par ailleurs l’étude n’a pas cherché à savoir si les participants suivaient un régime sans gluten. On se doit donc de prendre les résultats de cette enquête avec des pincettes. Pour ma part des questions au sujet de la consommation de viande rouge et ou de graisse saturée ou encore d’aliments industrialisés persistent… combien de fois par semaines les participants mangeaient-ils au restaurant ? Quelle était la qualité des ingrédients qu’ils consommaient ? Etc.
Inutile de dire qu’il faudrait mener davantage d’enquêtes de ce genre dans les années à venir. Une étude dont les résultats ont été publiés l’an dernier dans la Expert Review of Gastroenterology and Hepatology met bien en exergue le risque de consommer du gluten même pour des sujets non-coeliaque. Trois marqueurs inflammatoires ont été repérés suite à l’ingestion du gluten, à savoir : 1) une altération de la fonction du colon (en d’autres termes le colon ne fonctionne pas normalement), 2) des symptômes du colon irritable (constipation et/ou diarrhées), et 3) une dégradation de la flore intestinale. Sachant à quel point notre éco-système interne est fragile et important, je crois qu’il faut savoir faire preuve d’intelligence et de discernement en ce qui concerne la consommation de farines de blé modernes, et si votre alimentation comporte beaucoup de gluten c’est peut-être le moment opportun de faire le bilan de votre état de santé et d’opérer des changements pour mieux vous nourrir.
« L’épi de blé que la grêle du doute a courbé ne peut plus se relever et s’agiter au souffle de la vie. » Henrik Ibsen
« Manger son blé en herbe »
Là où je rejoins un peu (juste un peu) le journaliste de l’Express c’est sur le potentiel danger de suivre une ‘mode alimentaire’ sans connaissances en nutrition au préalable. Je ne crois pas que le blé moderne soit particulièrement riche en nutriments, même pour une personne qui peut en manger nuit et jour sans jamais éprouver la moindre gêne digestive. Il apporte des glucides, mais bon, on peut très bien en trouver ailleurs – le riz, la quinoa, le millet, le sarrasin, les patates douces, les pommes de terre, les panais, le maïs, les lentilles, les pois-chiches, sont juste la pointe de l’iceberg quand on considère la montagne d’aliments permettant de couvrir nos besoins glucidiques.
Personnellement, je ne suis pas très friande de substituts GF industriels. Je suis désolée, mais quand je lis l’étiquette des paquets de « pain sans gluten » ou de « madeleines à la farine de tapioca » je ne suis pas franchement convaincue par leur valeur nutritive. Je suppose que c’est ce point que ledit journaliste affolé essaye de soulever quand il dit : « les gens sans intolérance vraie au gluten qui ont cédé à la mode augmentent probablement leur risque cardiaque et métabolique ». Il est certain que si on en venait à troquer systématiquement notre pain, nos biscottes, ou nos gâteaux contre des substituts GF industrialisés on n’irait pas forcément en s’arrangeant la santé car beaucoup de ces produits utilisent des graisses ou des ‘liants’ pour obtenir une consistance proche de celle du pain ou de la farine de blé. Mais bon, il n’empêche que la farine de blé moderne est source d’inflammation chronique et bien plus souvent que non la population en consomme plus qu’il n’en faudrait.
Que fais-je donc pour éviter le gluten ET les substituts sans-gluten industrialisés ? – Je fais preuve d’inventivité et je cuisine. Eh oui ! Cela me demande un peu plus d’organisation, mais on y arrive très bien.
J’ai toujours une patate douce cuite dans un récipient en verre au frigo au cas où une fringale me prendrait. Quand je me prépare un bol de riz complet j’en fais toujours pour 2 jours, histoire de pouvoir en saupoudrer sur mes salades le soir. En gros, j’ai toujours un féculent d’avance, haha ! Quand je prends l’avion je prévois toujours un petit bento de quinoa ou de sarrasin. Et vous savez quoi ? On peut également remplacer le pain ou les pâtes par des légumes ! Eh oui ! On n’en consomme pas assez ! Plutôt que de manger un gros morceau de pain blanc avec votre salade, ajoutez-y des légumes rôtis (mmm, des carottes rôties à l’ail, au balsamique et aux herbes de Provence dans une salade chèvre – noix… à tomber !). On peut très bien manger sans gluten, consommer un max de céréales complètes, de légumineuses, et de légumes, et ne pas faire un infarctus. Franchement c’est faisable. Mais c’est vrai qu’il faut faire preuve d’inventivité et ne pas céder à la fainéantise. Bien évidemment, il m’arrive de m’octroyer un plaisir de temps en temps – une part de gâteau sans gluten ou un toast GF à l’avocat. Je fais juste attention à ce que cela reste exceptionnel.
Le pain restera un aliment vénéré en France, et il existe quelques agriculteurs-boulangers passionnés d’authenticité qui ont choisi de se détacher du troupeau et de remettre les anciennes variétés de blés plus pauvres en gluten au gout du jour. C’est le cas de Philippe Guichard, un paysan-meunier du Lot-et-Garonne. Je trouve son parcours tellement courageux, et si un jour je parvenais de nouveau à consommer du blé c’est vers ce type de farine que je me tournerais.
La restauration française est plus longue à se mettre à la page, et il m’est déjà arrivé de me faire rire au nez lorsque je demandais si un plat contenait du gluten. N’ayant jamais été diagnostiquée coeliaque je ne peux que rouler des yeux et faire au mieux pour commander un plat qui me convient, mais je me dis que pour quelqu’un qui a un cas sévère de coeliaque, pour qui manger même une miette de pain se traduit par des jours et des jours de douleur, nos restaurants français peuvent mieux faire. Se moquer de quelqu’un qui souffre d’intolérance alimentaire est inacceptable. Pas d’exceptions. Pas d’excuses. Plutôt que de se dire qu’il faut revoir la qualité de nos produits modernes on préfère s’en prendre aux victimes de la machine agro-food. On aborde le problème dans le mauvais sens. Et la restauration française n’a pas fini d’être frustrée par les clients qui demandent des plats spéciaux car les frankenblés, les frankenlaits, les frankencéréales, les OGM, les perturbateurs endocriniens et les pesticides ont de beaux jours devant eux.
Heureusement, certains restaurants se sont mis à la page, proposant des cartes entièrement sans gluten. C’est le cas de Noglu Paris, une boulangerie parisienne qui confectionne des pâtisseries tellement bluffantes que l’on croirait qu’elles sont fabriquées avec des farines classiques (allez faire un tour sur leur page Instagram si vous avez envie d’être totalement séduits. Je vous avais dit que je ne consommais pas de substituts GF, mais vu la qualité de leurs produits (artisanaux) je ferai une exception… (on a bien le droit de se régaler en vacances, non ?)
Si vous souhaitez que je vous transmette plus de recettes sans gluten laissez-moi un petit com en bas de page et dits-moi ce que vous aimeriez voir et sous quelle forme (Instastory – vidéo – article + photos, etc.).
Je vous envoie des good vibes pour vos aventures au naturel !
C💜
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Bonjour
Ton article est très intéressant. Pour ma part je ne suis pas GF mais après avoir lu un livre très intéressant sur Hildegarde de Bingen, une abbesse du moyen âge très en avance sur son temps en terme de nutrition, je n’utilise plus la farine du commerce mais la farine qu’elle préconisait à son époque et que l’on peut trouver chez certains revendeurs suivant les préceptes d’hildegarde,, à savoir la farine d’epeautre bio non hybridée qui a les mêmes qualités nutritionnelles que la farine que l’on pouvait trouver au moyen âge et qui n’a en effet plus rien à voir avec la farine moderne. Le terme « non hybridé « fait toute la difference car ce n’est pas le cas des farines bio que l’on trouve dans les magasins bio. Cela peut peut être en intéresser certains.
Merci pour ton commentaire, Isah. 😊 Tout à fait – la farine d’épeautre non hybridé est effectivement la plus riche d’un point de vue nutritif, et c’est d’ailleurs celle que je consommerais si un jour je décidais de me remettre à consommer des aliments contenant du gluten.
J’ai pensé à mentionner l’Abbesse de Bingen dans l’article, mais étant diplômée en traduction et sachant qu’il existe un débat autour de la traduction du terme « korn » (entre autres) utilisé dans les écrits d’Hildegarde. Certains puristes de la langue notent que l’allemand ne distingue pas le petit épeautre de l’épeautre moyen et du grand épeautre ; ces termes se regroupant tous sous l’étiquette « einkorn ». Les questions demeurent donc sur l’exactitude de la céréale dont Hildegarde vante les bienfaits… s’agissait-il bien de l’épeautre, et si oui de quelle variété ? Pour éviter de me faire taper sur les doigts par les linguistes/adeptes d’Hildegarde j’ai préféré omettre la référence, mais je trouve effectivement ses écrits très intéressants, et si ce qu’elle dit est vrai alors c’est un angle d’approche qui mérite d’être étudié déplus près.